Dessin de Ghislaine Letourneur |
Suite à la diffusion, le 4 septembre, du
communiqué de la présidente de la Commission européenne Ursula Van der Leyen, annonçant l’ouverture d’une consultation « des communautés locales, scientifiques et toutes parties
intéressées », LAEO France s'inquiète devant l'énoncé d'une révision du statut de protection du loup comme il est indiqué dans cet extrait :
« Sur la base des données collectées, la Commission se prononcera sur une proposition visant à modifier, le cas échéant, le statut de protection du loup au sein de l'UE et à mettre à jour le cadre juridique, à introduire, si nécessaire, davantage de flexibilité, à la lumière de l'évolution de cette espèce. »
En réponse, le collectif CAP loup dont LAEO fait partie, a envoyé ce jour un communiqué pour tenter de rectifier le tir (le mot vient à point), c'est-à-dire à stopper la "régulation" de la population de cet animal dont l'utilité a été prouvée en matière de biodiversité.
Madame la Présidente,
Dans un communiqué en date du 4 septembre 2023, vous annoncez l’ouverture d’une consultation pour collecter des données concernant les populations de loups et leurs impacts. Dans ce communiqué vous mentionnez la possibilité d’une révision du statut de protection de l’espèce loup.
Notre collectif de 40 associations pour la protection des loups en France, représentant plus de 200 000 citoyens, est extrêmement inquiet face à la possibilité d’une révision du statut de cette espèce encore menacée et l’introduction d’une plus grande flexibilité dans la gestion de ses populations à travers l’Union européenne. Afin d’alimenter les réflexions de la Commission européenne à ce sujet, CAP Loup souhaite porter à votre connaissance les
éléments de contribution suivants :
- Les loups n'ont pas besoin d'être "régulés" : ce sont de grands prédateurs et ils se régulent tout seuls. Il n'y a pas de prolifération de loups en France mais seulement une hausse des effectifs accompagnée d’une recolonisation de territoires. Cette hausse des effectifs n’a rien d’un raz de marée, il y a environ 1 100 loups en France contre 2 000 en Italie et 3 000 en Roumanie. Par ailleurs, malgré cette augmentation relative en 2022, en France, le niveau des attaques sur troupeau était le plus bas depuis 2018. C'est bien que les mesures de protection des troupeaux, quoique très imparfaites, finissent par produire un effet positif qu’il faut poursuivre et renforcer.
- Il y a une peur irrationnelle autour des loups. Peur que vous entretenez dans votre communiqué du 4 septembre en déclarant : “La concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme”. Nous souhaitons vous appeler à davantage de modération dans vos propos et vous rappelons qu’aucune attaque sur les humains n’a été déclarée en France depuis son retour naturel il y a plus de 30 ans. En effet, les preuves scientifiques ont montré que les loups ne considèrent pas les humains comme des proies.
- Par ailleurs, on impute aux loups un certain nombre d’attaques qui n’en sont pas forcément, du fait du système de déclaration peu fiable et du manque de contrôle en France. Tout ceci entretient un climat anxiogène autour de l’ensemble de cette espèce, accusée de tous les maux alors que des mesures de protection, lorsqu’elles sont correctement mises en place, ont clairement fait leur preuve : chiens, clôtures conformes, présence humaine. En outre, de nouveaux moyens de protection sont développés et testés comme les colliers anti-loups. Comme l’indiquait Laure Mourey, éleveuse de chèvres dans le Vaucluse : "c'est moi qui accompagne mes animaux pour les faire pâturer, je reste avec eux, comme ça je n'ai pas de problème avec le loup".
- Effectivement, le problème du monde agricole ne vient pas de la présence des loups mais surtout du manque de diligence de la France en matière de protection des troupeaux malgré les budgets alloués. On constate ainsi que ce sont toujours les mêmes élevages qui concentrent l'essentiel des attaques. En Haute-Savoie, un rapport de 2021 montre qu'il y a une corrélation entre le nombre d’attaques et la faiblesse des protections (clôtures trop basses, mal électrifiées, chiens mal éduqués ou absents, aucune présence humaine etc). Il convient donc non pas de réviser le statut de l’espèce lupine mais bien de concentrer les efforts dans l’application de la réglementation actuelle, application qui est loin d’être optimale en France. Nous constatons ainsi un système de contrôle des moyens de protection extrêmement faible, notamment avant indemnisation : le système d’auto-évaluation est très souple et généreux, si bien qu’il ne permet pas d’avoir une vision exacte d’éventuels problèmes de cohabitation et du danger que représentent réellement les loups. Dans son avis sur le bilan du Plan National d’Action pour le Loup 2018-2023, le Conseil National pour la Protection de la Nature rappelle une fois encore la faiblesse des contrôles de terrain concernant la mise en place des moyens de protection, condition pourtant essentielle à l’autorisation des tirs létaux (6,3 % sur la période 2015-2018 dont 7,5 % non conformes, 4,2 % en 2021), et que le système d’indemnisation français, basé sur l’auto-déclaration est très généreux.
- Par ailleurs, il rappelle également que l’efficacité des tirs létaux n'a fait l’objet d’aucune validation scientifique ! Lorsqu’une meute est éclatée après la perte d’un de ses loups dominants, les autres individus sont désorientés. Vulnérables, désorganisés et inexpérimentés pour les plus jeunes, ils s’attaquent davantage aux troupeaux.
En mars 2021, la Commission européenne avait interrogé la France quant à sa politique de gestion des loups : avait-elle obtenu des réponses satisfaisantes permettant de considérer que la France a pris toutes les mesures afin de prévenir les dommages et de gérer convenablement le développement de ses populations de loups dans un objectif de
cohabitation avec les activités humaines ?
- Les loups appartiennent à une espèce indispensable à la bonne santé des écosystèmes de montagne. Ils limitent la propagation des maladies communes aux ongulés et aux animaux d’élevage en prédatant les animaux sauvages les plus faibles. Les loups sont les seuls prédateurs qui, lorsqu'ils chassent en meute, peuvent réguler des espèces comme les
sangliers (à qui l’on impute 80 millions d’euros de dégâts aux cultures chaque année).
- L’Union Européenne, dans son programme LIFE de lutte contre le changement climatique, mentionne clairement comme axe prioritaire : “le besoin de préserver la biodiversité, les milieux naturels en bonne santé” dès lors, comment est-il possible d’envisager oser revenir sur le statut des loups simplement pour répondre à la grogne du monde agricole, et balayer des années d’efforts de conservation pour reconstituer des populations de loups à travers l’Europe ?
Voici quelques propositions de CAP Loup dans le cadre national et européen :
- renforcer l’application du droit communautaire actuel en s’assurant du respect des conditions imposées en matière de protection des troupeaux et d’indemnisation;
- améliorer les moyens de protection des troupeaux avec le soutien de l’Union européenne : rehaussement les clôtures, voltage suffisant, formation obligatoire pour les chiens de protection ;
- accompagner les éleveurs techniquement : analyse de vulnérabilité (par exploitation ou par zone), formation à l'éthologie de l’espèce loup ;
- conditionner les subventions à une formation et une mise en place effective des moyens de protection (avec contrôles systématiques) ;
- ne plus faire reposer le système d’indemnisation sur du déclaratif seul mais l'effectuer après contrôle par un organisme indépendant.
CAP Loup est composé de 40 associations : voir https://www.cap-loup.fr/les-associations/
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